La geste de Glanhorn, valeureux seigneur des deux fleuves et

mari de la belle Oriane,fille du roi Taark ouen

Ami, écoute l'histoire du chevalier Yann Glanhorn, seigneur des deux fleuves, le défenseur des justes et des bons et l'ami des plus braves. Ecoute comment il tua le dragon Faafnill qu'il y avait en ce royaume, terreur des paysans de Vorms et châtiment de Dieu ; et comment il conquit le cœur de la belle Oriane, fille du roi Taarkouen-le-Sage et l'épousa, provoquant la jalousie des sots et le ressentiment des mauvais; et comment il fut finalement trahit et échappa à la geôle grâce à l'aide d'un cœur vaillant, celui du bon chevalier Pandore; et comment, au bout de tant d'aventures, Glanhorn succéda au bon roi Taarkouen, et régna en sage sous le regard admiratif des nations.

Voici qu'il arrive, fier et bien armé, sur son beau cheval. Tous et toutes n'ont de regard que pour lui. Oui, de toute évidence, tous l'apprécie et l'admire ! Et en tout lieu du royaume, on tient son nom pour synonyme de Noble. Seul les envieux discutent encore de sa beauté. Mais s'il en était autrement, aurait on pu aussi facilement l'aimer? Et c'est vrai que le jeune chevalier était homme bien fait, puissant de bras, large d'épaule et se tenant toujours bien droit sur sa selle. Je dois aussi ajouter, pour l'avoir connu, qu'il est homme élégant et courtois.
Le bon roi Taarkouen veut, en ce jour, voir le chevalier. Et notre homme de se rendre promptement jusqu'à la cour et de s'agenouiller devant le grand roi.
- Ecoute, bon fils de Eberngatt, qu'on appelait avec justice " Frappe dur ", je t'ai convoqué en ce lieu pour te lancer un nouveau défis. Mais j'ai peine à t'en parler tant la chose paraît difficile. Comme j'aimerais te garder auprès de moi plutôt que de t'exposer à d'aussi grands périls. Pardonne moi.
- Parle mon roi, je suis ton obligé et souhaite de prouver, une fois de plus, mon amour. Parle !
- Voici, fils, qu'un nouveau malheur est arrivé en terre maudite de Vorms. Tu n'ignores pas que là-bas vit le dragon qu'on appelle Faafnill. On dit de cette créature qu'elle fut une punition que Dieu adressa à l'ancien seigneur de Vorms, l'orgueilleux Arnus, pour ses trop nombreux crimes. Après la mort dudit seigneur et la conquête du comté par mes soins, j'héritais de ce grand problème et jamais ne parvint à le résoudre. En fait, avec le temps, le dragon se fit plus sage. On ne le voyait presque plus. Et tout semblait être définitivement rentrer dans l'ordre. Jusqu'à ce jour, ce malheureux jour…
- Que s'est il passé ?
- Oh, comment te dire, car ma douleur est si grande ? Sache, mon ami qu'il ne reste plus rien de la ville de Gaalro, que tu connus étant enfant, au cœur de cette lugubre forêt de Vorms. Oui, tous, tous ou presque, ont péri ! Les survivants dénoncent Faafnill. Et moi, je réclame sa tête !
- Comme mon cœur saigne… Oui, par tous les saints, je les vengerai, je te le jure !
Le courageux jeune homme avait parlé. Il chevaucha trois jour jusqu'à Vorms. Le lieu était plus sinistre et désert que jamais. Glanhorn s'enfonça dans la forêt, seul, comme à son habitude, ne voulant exposer la vie d'aucun écuyer. La froid et le silence s'immisçaient entre les branches des grands arbres morts. La nuit avançait à grand pas. Et toujours personne, pas une âme, pas même un merle, ce qui eu été bien naturel en cette saison. Une grande terreur s'était emparé de toute la forêt.
Le jeune chevalier s'installa, pour la nuit, au pied d'un chêne majestueux, dont le sommet trouait le ciel et semblait vouloir s'agripper aux astres. Avant de s'endormir tout contre la terre humide, seul et affamé, il profita de la situation et escalada l'arbre pour examiner la forêt d'en haut. Il lui sembla alors qu'une lueur mystérieuse éclairait la région du côté du levant. Etait-ce Gaalro qui brûlait encore au loin ?

Le lendemain, Glanhorn, le courageux fils de Eberngatt, entra dans les ruines fumantes de la pauvre cité. Personne ne vint l'accueillir. La ville n'était plus qu'un gigantesque tombeau livré aux quatre vents. Partout, le sang des braves maculait le pavé, et les toits de chaume finissaient de se consumer dans un crépitement sinistre. La lutte avait du être rude, à en juger par le nombre de javelots, flèches et autres projectiles mortifères qui gisaient sur le sol. La plus profonde des tristesses s'empara du tendre chevalier, lorsqu'il découvrit que la tour altière de la très sainte église de Gaalro, gisait, telle une belle et jeune endormie, réduite en mille pièces par une main rageuse. Quel prodige avait bien pu arracher au ciel bleu du Vorms son plus noble ornement. ? A n'en point douter, une créature dotée d'un puissance diabolique. Mais était elle toujours là ?
Voici qu'un cri se fit entendre qui fendit l'âme vaillante du soldat. Dans une clairière, non loin de là, on se battait encore. Glanhorn, qui était homme prompt au combat, ne tarda pas à découvrir la plus terrible des scènes : Un monstre, non issu de nature et grand comme une colline, dévorait un homme qui, malgré sa fin inéluctable, continuait à lutter, glaive en main, jusqu'à son complet engloutissement. Tout cela inspirait, tout autant, l'horreur que la plus grande des compassions. Le jeune guerrier se précipita sur la bête, mais celle-ci demeura insensible aux coups de son épée. Comment cette créature d'un autre monde aurait-elle pu aussi facilement succomber aux assauts d'un seul homme, elle qui avait su tenir tête à tout une cité ? Glanhorn se ravisa, il attaquerait plus tard, dans des circonstances plus favorables.
Il fallait maintenant fuir le dragon qui, furieux, projetait toutes les flammes de l'enfer sur les arbres, les rochers et sur toutes les choses environnantes, qu'elles soient vivantes ou pas.
Note ici, lecteur, que notre héros, en fuyant, n'a pas fait preuve de lâcheté, mais d'une très estimable prudence. Celle-ci est l'attribut des plus fins chevaliers. Messire Godefroy et même Lancelot, en auraient fait tout autant. Se retirer du combat, réfléchir et prier dans la solitude du donjon, pour mieux se lancer le lendemain dans un assaut victorieux, quoi de plus raisonnable ? Mais tout cela, tu le sais aussi bien que moi.
Donc, le dragon s'en était retourné dans les grottes ténébreuses de Finhaum, rageant de n'avoir pu croquer une ultime proie humaine. Le fidèle serviteur de Taarkouen l'avait très discrètement suivi, se faufilant de bosquets en bosquets, jusqu'à sa tanière. Le monstre, reput, s'endormi à l'orée d'une source diamantine, en toute tranquillité. Peut être, dans le désordre secret de ses rêves, échafaudait-il déjà quelque nouveau désastre pour le jour suivant ? Le fait est que la bête était profondément assoupie. Glanhorn se proposa alors d'en finir, tant l'instant lui paraissait propice. Mais il avait encore souvenance de l'inefficacité des pics et des épées, pour en avoir fait lui même l'expérience à Gaalro. Et le soir se rapprochait, laissant peu d'espoir à une utile revanche.
La grotte de Faafnill était un lieu silencieux et douillet (le dragon dispensait une grande chaleur), aussi le jeune homme décida-t-il d'y passer toute la nuit, dans l'ombre du géant. Et nos deux ennemis de dormir côte à côte, le champion des justes et la créature du diable, dans la quiétude inconsciente du sommeil, qui est comme un avant goût de la mort.
Le lendemain, un bruit de métal se fit entendre qui réveilla et le chevalier et la dragon. Un homme était entré, vêtu d'une étincelante armure, comme Glanhorn n'en avait jamais vu, et l'épée en main. Le preux en question paraissait d'une stature respectable, puissant et gracieux tout à la fois, comme homme bien né aux belles manières de cour. Mais il semblait qu'il ignora tout de la puissance de son adversaire, à sa façon intrépide de le charger. L'homme ne tarda pas à recevoir les assauts du dragon, qui ne voyait peut être en lui qu'un inattendu petit déjeuner. Le chevalier inconnu vacilla, se repris, puis tomba entre deux rochers qui ornaient l'entrée de la tanière, renversé par un grand coup de queue. Quelle fougue ! Quelle courage ! Glanhorn se confondait en admiration, mais il compris bien vite qu'il faudrait intervenir. Peut être qu'à deux, la tache serait moins rude ? Mais il n'en fut rien, car le dragon était animal aussi féroce que rusé. Se voyant encerclé par deux braves, il prit la fuite.
En l'absence du dragon, tout semblait si calme dans la forêt de Vorms.
- Comment te nommes tu, noble étranger ? Demanda le fils de Eberngatt.
- Je m'étonne que tu ne connaisses pas mon nom, car moi, je n'ignores pas le tien, toujours encensé par les bons et toujours envié et décrié par les ignares et les gens de peu.
- Je crois ne t'avoir jamais vu en ce royaume. As tu participé à quelque joute, à quelque tournois ? Je te crois suffisamment brave pour remporter toute les épreuves sans peine et mériter tous les honneurs.
- Je te remercie.
Puis le valeureux chevalier se tourna, inquiet, vers les falaises de Finhaum. Il semblait si triste et si seul que Glanhorn en conçu la plus noble des pitiés, pour ce frère d'arme qui n'avait pas démérité. Enfin, l'homme dit :
- Vois tu, je me nomme Pandore et j'étais un des défenseurs de la cité de Gaalro, celle là même que détruisit le dragon. Hélas, j'étais absent lorsque la terreur s 'empara des rues et des places de la joyeuse bourgade pour ne laisser, comme tu l'as vu, que cendre, désolation et silence…
- Pandore, je suis si triste pour toi ! Pourtant, je te demande une chose : Ravale tes larmes et reprends toi, et vient lutter à mes côtés contre cette fausse fatalité. Allons tous deux en découdre avec cette chose que messire le diable, plus certainement que notre Seigneur, comme certains le prétendent parfois, envoya aux hommes pour tester leur patience et leur courage.
- Tes propos me donnent joie et entrain. Allons, ami, chassons ensemble pour le bien de tous et pour venger les miens !
Et c'est ainsi qu'il se mirent à la recherche du dragon. Celui-ci se cachait en un coin sombre et humide de la forêt. Déjà, la nuit, chassant les certitudes du jour, rendait les choses incertaines et dangereuses ! Sur leurs belles montures, les deux cavaliers discouraient à voix basse de tactique et de piège. Pas un bruit alentour. Pas un souffle. Un silence de pierre. Et partout, des milliers d'arbres secs griffant avec horreur la voûte étoilée et tendant leurs pauvres branches chenues comme une foule de damnés attendant du ciel le divin pardon. L'air de cette contrée malheureuse était irrespirable. Glanhorn, attentif à toutes chose, sursauta lorsqu'au beau milieu de la nuit, une ombre gigantesque traversa le sentier vers le sud.
- Pendore regarde !
- Diable, que se passe-t-il ? Oui, oui, mon ami, j'ai vu, cela semblait courir par là, vers cette clairière. Approchons, mais avec prudence. Voilà, encore quelques pas… Je ne vois toujours rien, il fait si sombre. Serait-ce cette chose ? Dieu, comme elle est grande ! Approchons encore. Vite, la chose s'enfuie! Courrons, elle ne doit pas échapper ! Au galop, vite ! vite !
Traversant le bois à tout allure, l'ombre, grande comme un château, entraînait avec elle les deux gloires du royaume. Tout allait vite à présent, chaque monture écumant sous l'effort. Si vite, en fait, que le véritable motif de cette course échappait aux deux hommes, dont l'attention tout entière était concentrée sur l'image fugitive du dragon. Aussi, quelle ne fut pas leur surprise lorsqu'ils arrivèrent, galopant comme des diables, au bord d'un précipice. L'arrêt fut si brusque que Glanhorn en fut désarçonné et tomba à terre. Ce démon homicide, avait imaginé, tout seul, ce piège fatal ! Quel grand prodige, vraiment. Mais ses heures étaient comptées.
La forêt de Vorms était vaste comme trois comtés. Il serait bien difficile de retrouvé le monstre dans ce dédale de collines hostiles, d'arbres morts et de buissons épineux.
Nos deux chevaliers étaient perplexes, certes, mais point désespérés. Ils consacrèrent le reste de la soirée au repos et à la méditation.

Il ne fut pas nécessaire d'attendre bien longtemps pour que le dragon se manifesta à nouveau. Sa rage était immense, comme sa volonté dans découdre. Une soif insatiable de sang et de chère humaine animait chacune de ses pensées. Contre toute attente, il réapparu, tôt le matin, dans la plaine du levant sur le chemin de Gaalro, surgissant du ciel comme une nuée vénéneuse, couvrant, pour un instant, le maigre soleil d'hiver de milliers de battements d'ailes, noires comme la peste.
Glanhorn, qui ne se laissait pas si facilement surprendre, eut très vite une idée. Il se jeta sur la créature avec une telle fougue et une telle insistance, coupant un peu par ci, tranchant un peu par là, qu'il parvint à attiré sur lui seul, toute l'attention de la bête, provoquant du même coup l'étonnement et la jalousie du valeureux Pandore. Les yeux du dragon, ivre de colère, étincelaient comme deux rubis des Indes. Le chevalier dirigea son coursier vers la ville, entraînant à sa suite son ennemi. La course était intense et le péril gigantesque ! Glanhorn passa la première porte, puis la seconde et enfin gravit la colline qui conduisait à l'église. Le dragon, toujours à ses trousses, faillit plus d'une fois l'atteindre. Devant les ruines de la grande et belle tour, le chevalier mit pied à terre, puis il s'empara prestement de la lourde hampe d'acier qui avait été l'ornement singulier du pauvre monument, et la pointa vers le monstre. Celui-ci ne sut pas refréner sa course et s'empala de tout son long sur le pic acéré. Ainsi mourut le démon de Vorms.
Glanhorn et Pandore se séparèrent, promettant de se soutenir en toute circonstance et de s'aimer à jamais. Puis le vieux chevalier prit la route de Hunter, comté du prince Sargan, tandis que le jeune preux revint auprès de son bon roi, avec dans sa sacoche, un seul croc, et non point la tête qui était trop lourde, de l'horrible créature. L'objet impressionna tant que le fils de Eberngatt fut surnommer : Yann le tueur de dragon.
A la cour du roi Tarkouen-le-Sage, il y eu bien des réjouissances, tandis que bien des cœurs solitaires et tendres connurent, à la vue du jeune et noble chevalier, leur premier émoi. Mais ceci est une autre histoire.

Tout s'est joué en silence et Fortune à choisi
La valeur contre l'ombre et le bien triomphant.

 

Alfred Eric de chennevières comte de la Marne

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